1. Définition
Selon la définition de l’International Association for the Study of Pain (Merskey, 1979), la douleur est « une expérience sensorielle émotionnelle et désagréable, due à unje lésion tissulaire potentielle ou réelle, ou décrite par les termes d’une telle lésion ». Il est important de noter que la douleur est une sensation subjective, variant d’un individu à l’autre en fonction de sa sensibilité propre, de son environnement et de son état émotionnel. Il est donc très difficile de quantifier ou de mesurer une sensation douloureuse.
Quelle que soit la raison de son apparition, la douleur est une nécessité biologique, sorte d’avertissement, permettant la fuite ou le retrait.
La douleur est une sensation d’origine périphérique (partant de la peau, des tendons, des os, des muscles, des viscères…) percue par le cortex mais dont l’intensité, les caractères et la perception même, sont modulés par des niveaux inférieurs du système nerveux central, comme la moelle épinière et le thalamus.
2. Les trois grands mécanismes de genèse de la douleur
a. La douleur nociceptive
Les nocicepteurs sont les récepteurs sensoriels responsables de la détection du message douloureux. Ils sont présents dans tout le corps, mis à part l’encéphale.
La douleur d’origine nociceptive résulte d’un excès de stimulation de ces récepteurs nociceptifs qui envoient le message douloureux suivant les voies de la douleur vers le cortex cérébral (engendrant la perception de la douleur).
On rencontre ce mécanisme dans les situations de douleur aigue, comme les traumatismes (marcher sur une punaise), ou les brûlures, mais encore dans les cas de douleurs chroniques, comme le cancer et les rhumatismes.
b. La douleur neuropathique
La douleur neuropathique est une douleur résultant d’une lésion et/ou d’une irritation de l’un des éléments constitutifs périphériques et/ou central des voies nociceptives. Le système nerveux, endommagé, transmet dès lors des messages erronés. Contrairement à la douleur nociceptive, la douleur neuropathique est une douleur spontanée, ne résultant pas d’une stimulation périphérique.
Ces douleurs neuropathiques sont caractérisées par un fond permanent de type brulure, avec parfois des sensations de coups de poignards, ou de chocs électriques. Ce sont des douleurs chroniques. Elles sont insensibles aux antalgiques usuels et même aux morphiniques et nécessitent des traitements spécifiques : certains anti-épileptiques ou anti-dépresseurs, la neurostimulation…
c. La douleur psychogène
La douleur psychogène existe en l’absence de lésion. Elle est causée avant tout par des facteurs psychologiques. Très difficile à diagnostiquer, elle est souvent déterminée par un diagnostic d’exclusion : lorsque les autres causes potentielles d’origine douloureuse (nociceptive et/ou neuropathique) ont été exclues.
Toutefois, différents signes peuvent suggérer la composante psychologique de la douleur ressentie par le patient : localisation ne correspondant pas à une topographie anatomique identifiable, évolution inhabituelle dans le temps, contexte affectif ou social perturbé, maladie psychiatrique etc…
La douleur psychogène est également caractérisée par une absence de soulagement après la prise d’analgésiques, ce qui nécessite l’utilisation d’anxiolytiques tels que les benzodiazépines ou d’autres psychotropes (médicaments destinés au système nerveux central).
Poussée à son paroxysme, et en l’absence d’un traitement adapté, la douleur psychogène peut mener au suicide.
3. Les voies de la douleur
a. Mécanismes périphériques : les nocicepteurs
Le message nociceptif résulte de la stimulation des terminaisons libres amyéliniques (nocicepteurs), très nombreuses (200 par cm2), organisées en plexus et arborisées dans les tissus cutanés et musculaires et les parois viscérales. Les nocicepteurs cutanés existent sous 2 formes : les mécanonocicepteurs et les nocicepteurs polymodaux.
- Les mécanonocicepteurs : activés uniquement par des stimuli douloureux mécaniques (pression, étirement, piqure, coupure), ils sont à l’origine d’une sensation brève et précise. Ils se prolongent par des fibres de type A-delta.
Au niveau de la peau, ils sont organisés en 2 réseaux : superficiel (épiderme) et profond (derme). Leurs champs récepteurs sont larges et séparés par des zones ou les stimulations sont inefficaces. Au niveau des viscères, les mécanonocicepteurs sont sensibles à la distension des parois des organes creux.
- Les nocicepteurs polymodaux : activés par des stimuli mécaniques, chimiques (substances algogènes), ou thermiques (T>42°C), ils sont à l’origine d’une sensation durable et moins précise en terme de localisation. Ils se prolongent par des fibres de type C. Ils sont principalement situés aux niveaux musculaire, tendineux et articulaire.
Les nocicepteurs cutanés sont caractérisés par : un seuil de réponse élevé nécessitant une stimulation intense, une absence d’activité spontanée et une sensibilisation par une stimulation nociceptive répétée ou hyperalgésie primaire.
b. Transmission et intégration de la douleur
Comme nous l’avons vu plus haut, la sensation douloureuse est acheminée par les fibres A-delta et C (l’activation de ces deux groupes correspondant respectivement à la douleur rapide et à la douleur lente).
Les corps cellulaires des fibres nociceptives sont situés dans les ganglions rachidiens. La grande majorité de ces fibres pénètrent dans la moelle épinière par la racine postérieure en émettant des collatérales dans le tractus de Lissauer, qui se distribuent sur plusieurs niveaux.
Les neurofibres de la douleur somatique et viscérale font synapse avec des neurones dans les cornes dorsales de la moelle épinière. L’influx nerveux provoque la libération de la substance P, le neuromédiateur de la douleur, dans la fente synaptique. L’influx est conduit par le neurone de 2e ordre dans la moelle épinière par les tractus spinothalamiques ventraux et latéraux jusqu’au noyau ventral postéro-latéral du thalamus. Les influx sont ensuite relayés jusqu’à l’aire somesthésique du cortex ; et sont perçus comme de la douleur, dans les aires S1 et S2 du coté opposé à la stimulation.
c. Modulation de la douleur
Il existe trois mécanismes nerveux qui modulent la transmission et la perception de la douleur :
- Théorie de la porte médullaire de Melzack et Wall (ou théorie du portillon) : un interneurone inhibiteur de la substance gélatineuse, recruté par les grosses fibres non douloureuses (A-alpha), bloque l’activité des fibres nociceptives (A-Delta et C, comme vu précédemment).
- Contrôle inhibiteur diffus induit par des stimulations nociceptives : l’activation des nocicepteurs déclenche un système inhibiteur descendant diffus.
- Contrôle des centres supérieurs du système nerveux central : plusieurs structures des centres supérieurs modulent la perception de la douleur.
Fig. 1 : Les trois mécanismes de modulation de la douleur
NRM = Noyau Raphé Magnus ; SGPA = Substance grise périaquéducale
4. Seuils de tolérance à la douleur
Tous les êtres humains perçoivent une douleur donnée à partir de la même intensité de stimulus. Par exemple, la chaleur est perçue comme une sensation douloureuse à partir de 44°C (température à partir de laquelle les tissus sont endommagés).
Par contre, le seuil de tolérance à la douleur varie d’un individu à un autre et est influencée par des facteurs culturels et psychologiques. Ainsi, cette tolérance augmenterait, entre autres, avec l’âge.
5. Le traitement de la douleur
Longtemps considérée comme un symptôme secondaire, la douleur est aujourd’hui reconnue comme une affection à part entière. Il n’est plus question d’ignorer les effets que la douleur peut engendrer sur la vie des patients. Ainsi, l’OMS a définit trois paliers de douleurs auxquels sont associés des médicaments spécifiques.
Niveau 1 : douleurs faibles ou modérées | Antalgiques non morphiniques : paracétamol, aspirine et Anti-inflammatoires non stéroïdiens. |
Niveau 2 : douleurs modérées | Antalgique dérivé de la morphine : codéine (associée à du paracétamol), tramadol. |
Niveau 3 : douleurs intenses | Morphine. |
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